vendredi 18 juillet 2014

Ice Trail Tarentaise, 13 juillet 2014, 65km, 5000+, 15h07 !!!

Il semblait costaud et intimidant sur le papier, il s'est avéré un colosse exigeant et presque insolent sur le terrain. Mais par un détour stratégique, j'en suis venu à bout en 15h07, une 282e sur 439 partants mais seulement 322 finishers.

Deux objectifs en vue: le premier était de finir sans être cassé de partout et le second était de faire une petite bambée de 11h ou 12h. Il en découlait en sus de partager la course avec Mickael et Gaëtan, pour rendre le moment encore plus sympa et convivial mais aussi plus fort ! 


4h du mat', dimanche 13 juillet 2014, pan !
500 personnes affûtées comme des chamois s'élancent sur le front de neige de Val d'Isère sous une pluie fine et par une nuit sombre mais pas si fraîche. Parmi eux, on est trois à se jeter un dernier regard, prêt pour l'aventure. 
2h plus tôt, le réveil avait sonné dans le camion aménagé de Gaët, plutôt top confort. La nuit fut courte mais plutôt bonne, le stress était retombé le temps du sommeil. Rapidement dans le feu des préparatifs, déjeuner, habillement, et quelques extras font défiler le temps à toute vitesse, annonciateur du reste de la journée. On passe le sas de départ à 03h50, sans le luxe de l'échauffement. Le speaker est là, à fond, nous aussi, tant mieux, c'est parti !

Les fameuses premières foulées sont rassurantes, ça déroule tranquillement à 12-13 km/h, pas de douleurs du jour, pas d’essoufflements inattendus et même une petite sérénité se fait présente.
A l'attaque de la 1e montée courte mais sèche et après 2,5 km, on doit être dans le premier quart. Ca part en single en forêt le long d'une piste rouge, ça bouchonne mais tant mieux, ça calme le rythme. En ce jour qui nous attend, on n'est pas particulièrement pressé, même si ce n'est pas l'avis de certains coureurs sauvages qui grapillent au moins 2" en te bousculant dans le virage. Bon j'avoue je l'ai fait une fois ou deux mais en fin de montée, pour rattraper les 2 zozos qui m'avaient déjà distancés d'une dizaine de mètres.

J'avais pris une option ultralight sur la frontale, avec une lampe à vélo decath à 3€ autour d'un buff, autant dire que je comptais sur les autres. On bascule sur Tignes avec finalement des conditions plutôt douces, sans trop de boue ni trop de pentes.

Il est 05h20, on attaque la grosse difficulté du jour en terme de dénivelé sec avec 1400+ et une altitude max qui résonne avec de l'alpinisme à 3500m. A Val Claret, on passe en 97e position... Montée au petit train à 750m/h sur sur une piste carrossable sous le téléphérique, dans un décor minéral et taillé pour les pistes. On rentre dans un nuage, la température baisse rapidement au fur et à mesure de l'altitude, parti à 2100 un peu humide, à 2500, mes mains s'engourdissent dans la bruine froide et le jour se lève. A 2900, on atteint les premiers névés sur un pseudo plateau, le vent s'en mêle, je gèle et j'ai perdu mes doigts! Erreur de débutants, j'étais parti avec des gants de soie qui ont vite pris l'eau. C'est le moment de mettre les Yatrax (chaînes) et de passer aux gants d'hiver, mais il est déjà trop tard, le syndrôme de Raynaud a attaqué.

Bien entendu, en terme de transition, je prends 30'' de plus que Micka et Gaët (sic) et je repars difficilement jusqu'au ravito à l'arrivée du Funiculaire (metro souterrain!) il est 6h35 et 15km de fait. Je retrouve les compagnons et ma décision était prise: "Partez sans moi, je ne suis pas bien, faut que je me réchauffe et je ne me mettrais pas dans le rouge à 50 bornes de l'arrivée...".

Je me pose avec 2 bols de soupe, un bon 5', les premiers sont déjà de retour, l'espagnol Luis Alberto-Hernando-Alzaga en tête suivi de François d'Haene, Tom Owens et Fabien Antolonis, du lourd !

Enchanté par les mains chaudes d'une bénévole, je repars l'esprit tranquille néanmoins, la Grande Motte en ligne de mire. Le glacier est bien dégagé et les 200 derniers mètres sont mêmes irradiés par le soleil et ça, ça fait plaisir, c'est de la chaleur en perspective !

Malheureusement, les sensations de montée mode "rando à ski" ne sont pas au rendez-vous, je traîne la caravane. Et même pire, c'est un mal de crâne qui prend le relais, on passe les 3100m d'altitude et ça cogne à chaque effort. Déçu mais conscient que la course est longue, je me laisse dépasser par une quarantaine de personnes, sans grogner. Je prends une pause en haut du mur une fois arrivée au soleil. Et quand même, c'est stratosphériquement beau, on a transpercé la masse nuageuse. Le soleil est encore à l'horizon et se reflète sur un sol tourmenté nuageux. Dire qu'on était bien plus bas 3h avant.

Il est 7h30, j'arrive en haut du téléphérique du glacier à la modeste allure de 350m/h. Je retrouve pour la dernière fois mes deux collègues qui entament la descente, des encouragements de part et d'autre, et en ce qui me concerne je pars dans ma bulle pour une longue épopée. Eux ont l'air de tenir et ils tiendront jusqu'au bout en réalisant un temps de 11h47mn très honorable. Bravo les gars, la prochaine, je reste avec vous, promis !

Plein feu sur le glacier, ça chauffe comme prévu, c'est trop bon, pas de vent, que du bonheur, la Grande Casse (3800m) droit devant, et pas de place pour les tracas. Je profite à fond de la petite boucle tracée dans la neige fraîche. On n'ira pas fouler le sommet mais ce n'est pas grave pour cette fois, il est bien temps d'attaquer la descente. 1e ascension du jour, check !

D'abord, c'est 500m de d- sur neige dure et piste rouge, "ouverte" du glacier, moment surréaliste où l'on croise quelques skieurs prêts à dévaler la pente et à slalomer entre les coureurs. Niveau physique, tout doux sur la première descente. Malgré quelques sensations qui ne sont pas trop mal. ce ne sera jamais les descentes de cabri non plus. Mais, premier enseignement, derrière tout ça, traîne sans doute un effet 6000d qui appelle la sagesse et la prudence. 
Je continue à dérouler en repassant au ravito à 3000m et grand fou que je suis, sans m'y arrêter! 

Rapidement, on retrouve la terre ferme et on enlève les chaînes. On aborde alors une succession de montée-descente relativement douce sur une vingtaine de bornes avec 1000+/-. Au checkpoint du Col de Fresse, je  pointe à 8h42 en 143e position. Ca gère à présent, sans excès mais sans défaillances. 

Les 5h de course passent, ça déroule à présent comme une sortie longue "pépère". Je fais une courte montée en marchant avec un "vieux" qui vient de courir les 80km du Mont Blanc il y a 15jours, et qui a fait l'ITT l'année dernière. On échange quelques mots de stratégie et de gestion, pas de précipitation avant tout, etc.. Il me fait part de la (très) longue qui nous attend derrière... A la bascule, sur piste large, je déroule un peu plus mais sans forcer sur une vingtaine de minutes jusqu'au ravito du Charvet au km 30. J'ai presque l'espoir un instant que, dans une seconde partie, je serai en mesure d'attaquer et de rattraper les compères qui ne doivent être qu'à 15 ou 20mn devant. Mais pour le moment, l'heure est à parcourir les sentiers sans forcer et sans se poser trop de questions. 
Le temps se dégrade un petit peu, c'est surtout qu'on est revenu dans les nuages, que la visibilité est vraiment pas terrible, dommage pour cette traversée dans les paysages sauvages à l'envers de Val d'Isère. Quelques bruines un peu ventées alternent avec des pointes d'éclaircies, le tout rendant finalement des conditions plutôt bonnes pour courir, pas trop chaud, pas trop froid. 

Je repars du ravito à 9h30, après une bonne pause, j'aborde une période que je n'aime pas trop, celle des 6-7h de course, qui sont toujours un peu l'inconnu puisque ça ne m'arrive pas souvent, et à chaque fois, c'est "pan dans le dur" !
Et pas manqué, gros gros coup de mou au pied de la longue montée, pas de jus, mal de crâne, ça bâche de partout !

Pas moyen de tenir au moral dès maintenant, alors j'écoute mon corps, je calme l'allure, je me mets en mode "rando" et je commence à cogiter, calculer, c'est bientôt la moitié, je m'arrête deux fois, une pour manger, une pour me reposer, j'envoie des sms, je regarde autour de moi, on me dit "bonjour" comme si j'étais un randonneur, etc... 
Je mets 2h15 pour 8km et 600+ jusqu'au col de la Rocheure à 2900m, au lieu d'1h40 dans l'estimation. Il est 11h45, km 37, 3000+ et 800- depuis le départ.

Au niveau physique, c'est bien entendu une nouvelle déception après La Plagne l'année dernière voire les Templiers il y a deux ans. Mais cette fois-ci, je garde mon calme, je ne me plains pas, je ne râle pas ni contre moi-même ni contre ces (p...) de belles montagnes environnantes. Non, l'événement reste ce qu'il est, une course très exigeante, et il faut garder la tête haute, assumer et continuer à avancer. Quelle que soit l'allure, terminer sera une merveilleuse satisfaction avec sa dose d'apprentissage qu'ira avec.

Donc, je m'adapte à la situation et je mets en place une autre stratégie de course. Les jambes ne répondent pas d'un point de vue tonique, ça m'est déjà arrivé, notamment sur la brèche de la Meije en ski, je sais néanmoins que je garde un fond d'endurance qui me permet de me surpasser sans atteindre des douleurs  musculaires généralisées et ingérables.
C'est ainsi qu'au cours de cette montée de la Rocheure de course, je persista dans l'esprit d'être "finisher" avant tout et je commença à loucher sur les fameuses "barrières horaires" fixées à 15h45 de course et une arrivée à Val d'Isère à 19h45...
Sachant que j'avais pris un minimum d'avance lors du premier tronçon, j'avais une certaine largesse pour poursuivre mon chemin en mode "rando" jusqu’au bout. Le défi ne devenait pas si facile pour autant, il me restait rien que 2000m de montée, 4000m de descente, et une trentaine de km. Au niveau horaire, je calculais alors à l'envers, en évaluant à 8h le temps restant! C'était donc jouable si je trottinais un minimum en plat/descente et que je marchais doucement mais surement en montée, le tout en prenant de bonnes pauses. 
Au niveau de l'alimentation, pas de soucis,  tout passait, pas de problèmes digestifs et pas de production saline excessive pour le coup ! C'est déjà ça.

Ainsi va le trail, la 1e descente se passe de nouveau pas trop mal. j'arrive aux checkpoints suivants avec 1h de retard sur l'estimation et une grosse pensée pour les personnes qui me suivaient sur le livetrail. J'ai dégringolé à la 238e place, il est 12h25, l'heure de passer à table mais l'apéro se limitait au coca, alors qu'une bonne chartreuse aurait été la bienvenue!
Je retrouve au ravito du refuge des Fours, Arnaud le covoit' de la veille depuis Paris, où je me trouve un peu con puisque je lui avais annoncé du "lourd" !
J'ai 1h45 d'avance sur la barrière horaire, tout va bien !

On repart ensemble pour une belle montée sèche de 500m vers le col des Fours, on retrouve les névés. Piqué dans mon orgueil, je trouve enfin les jambes pour monter au train, je me sens presque fort puisque j'emmène un groupe de 5-6 coureurs. Mais à 100m de l'arrivée, je donne le relais et me fais distancer doucement, aïe!
Une fille du groupe qui discutait tranquillement pendant que je ramassais mes jambes, disait alors qu'elle l'avait fait en 13h30 l'année dernière et qu'elle était aujourd'hui au même point à peu près. L'idée de revenir à un objectif de temps me chatouilla alors l'orteil mais non, je n'étais plus dans cet esprit et on était encore loin. Avec une dernière ascension redoutable de 1000+ derrière, je restais sur l'idée qu'une bonne rando, ça fait les pattes.

Ca bascule ensuite vers la vallée de l'Iseran, on continue à traverser des bons névés où je m'éclate à des glissades pas toujours contrôlées. Un mot sur la neige d'ailleurs, l'ensemble du parcours est recouvert à 40% d'après les organisateurs. Hormis le glacier, elle est très souple et molle, on s'enfonce de 10 à 20cm. François d'Haene (le vainqueur) disait 30cm dans une interview, je me permets de le contredire, c'est arrivé quelques fois seulement. En tout cas, je trouvais que c'était plutôt agréable puisque ça amortissait les chocs, alors oui elle ne portait pas, mais pour moi, c'était bien. Enfin, elle n'était pas si humide que ça et je n'ai pas souffert une fois des pieds, bonne nouvelle !

On revient à la civilisation en retrouvant la route du col de l'Iseran côté Maurienne, et on attaque le dernier morceau de la journée. Il se passe en 2 temps, d'abord 3 km de route à 8% puis retour à des choses très sérieuses avec 600m+ dans le pentu autour de 3000m.
Malgré le bitume, le passage sur route est plutôt rassurant d'un point de vue marche nordique jusqu'au ravito et le resto de la Cascade. J'y suis à 14h30, la barrière est à 16h. Le resto est ouvert, feu de cheminée allumé. Ok j'y reste 20mn. 

La reprise est plus délicate que prévu, retour de la chaussure qui colle dans le paté et des boum boum dans le cerveau, je n'avance pas un clou. Pourtant l'ascension est un mur avec sur la partie sommitale, une large arête dans la caillase. Je ne m'y attendais pas mais je l'affronte cette fois-ci en serrant les dents. Je passe au checkpoint à mi-montée au col Pers à 15h42 et j'arrive à la Pointe Pers à 16h19 à 3327m, Check!
Ca fait une moyenne de 500m/h, c'est pas si pire et pourtant. Comme la pente est tellement raide, 30% je dirai, cela reste raisonnable.. pour une rando. Je suis passé 262e et perdu une trentaine de places depuis le refuge des Fours. Là aussi le temps de section, 3h15, a du être particulièrement long j'imagine pour certains. 

J'apprécie le moment au sommet ou plutôt j'essaye de récupérer avant d'attaquer les 14 derniers kils et 1800m de descente entrecoupée d'une dernière montée sèche de 300+.
Donc c'est parti, tout doux, mais c'est parti. Ouf, les quadris répondent toujours et je résiste sans douleurs particulières. Ca durera ainsi jusqu'à l'arrivée, c'est clairement un point très positif de ce trail.


Col de l'Iseran, km55, 2700m, check à 17h13, 272e, 45mn d'avance sur la barrière. Il me reste 2h30 pour atteindre Val, pas de crainte, j'y serai, je finisherai !

Petit ravito, et c'est reparti dans le même esprit pour cette fameuse montée au tunnel, esthétique par ailleurs, les 100 derniers mètres, on met presque les mains, ça grimpe.
Je passe le tunnel à 3000m et yalla je me dirige vers la victoire. Il reste 9km et 1200m à descendre sur les pistes. Mon esprit divague et imagine une petite paire de ski au pied et de la fraiche de la nuit. Mais non, retour à la réalité par une petite chute dans de la neige dégueu et noiratre : pas de violence, c'est les vacances.

L'organisation nous aura réservé quelques sympathiques surprises pour terminer avec des bosses de chameaux bien placés et une piste noire dré dans le pentu interminable.

Yes, je sors de la forêt, j'aperçois l'ami Gaëtan au détour d'un virage, heureux de me voir arriver, on termine les 500 derniers mètres ensemble. Cet enfoiré me fait accélérer et je passe la ligne d'arrivée fin bien comme un bouquetin !

Finisher, I am, en 15h07mn13sec, 282e place, et avec même 35mn de marge. ITT check!!!
Pas d'écroulement exagéré ou de folie incontrôlée, je savoure le moment le sourire aux lèvres. Je récupère le beau t-shirt qui valait la peine de terminer à lui tout seul et retour à la maison tranquillement avec Gaëtan.

Hormis le fait qu'avec cette balade prolongée je n'ai pas pu me rendre à la piscine sauna kiné de val d'isère et qu'on a écouté la 1e mi-temps de la finale de la coupe du monde à la radio, j'en ressors grandi de cette nouvelle expérience.

Les points positifs sont:
  • l'adaptation de l'objectif de course.
  • l'expérience de la gestion d'un effort "long" +.
  • des descentes contrôlées (grâce aux séances de rémy...).
  • une récupération très rapide et sans douleurs particulières.
  • une alimentation variée et bien digérée.
  • un plaisir d'arpenter de grands paysages.
Quant à la défaillance, je n'ai pas d'explications précises mais plusieurs faits:
  • le stress des trails longs de plus de 60km et de 10h: il faut absolument que j'arrête de me mettre une pression supplémentaire. Je le savais pourtant mais pas moyen de me détendre à l'idée de faire ce trail jusqu'à la veille. Par contre, je pense qu'à présent, le fait d'avoir fini dans des conditions physiques correctes me laissera appréhender le prochain beaucoup plus sereinement. Mais est-ce que cela suffit à expliquer ce manque de jus en montée après seulement 3h ou 5h de course ?
  • la fatigue générale: trop d'entraînement? mauvaise planification  de l'année ? pas assez de pauses ? Possible, j'ai enchaîné la saison de ski avec 45 000 m de dénivelée jusque début mai, avec la saison de trail avec le Ventoux en mars, un triathlon en avril, un trail court à fond en mai, et des sorties longues avec 10000+ et 200km en juin... ça fait peut-être beaucoup. Faudra ré-équilibrer l'année prochaine car le ski de printemps, c'est vraiment bon ! (Mais bon, je suis prof, j'étais en vacances toute la semaine pour me reposer !)
  • l'altitude: pas facile de l'avouer, mais j'ai quand même l'impression d'avoir payé. Là aussi, en ski, ça y monte mais rarement fringant en fin de course.
Pour conclure, ce trail était aussi un "test" sur le long, et je ne pense pas avoir eu la réponse, faudra donc y revenir... mais pour un trail de moyenne montagne cette fois-ci !

D'ici là, pause et retour en septembre avec le Serre Che Trail: 48km, 4000+ avec un point culminant à 2850m: pour voir, c'est un peu gros mais bon je suis inscrit !
et si ça passe, 15 jrs plus tard, il y a les championnats de France à Buis les baronnies où je m'alignerais bien sur le "court".

Quelques liens pour finir:
Tous les classements et temps de passage: http://www.itt.livetrail.net/coureur.php
Les photos officielles: http://www.photossports.com/


Deux vidéos de la course:
15mn - S. Jaulin (canalplus)

28mn - radio TV Val d'Isère